Le 13 septembre 2024
« Pour le climat et la justice sociale ! » En 7 mots à peine, le slogan d’Est Ensemble affiche la couleur de son ambition : développer des politiques publiques à la hauteur des enjeux du territoire, certainement l’un des plus pauvres du Grand Paris mais sans doute aussi l’un des plus actifs et porteurs d'avenir. Situées en Seine-Saint-Denis, les 9 villes (408 000 habitants) qui composent l’Etablissement Public Territorial ont donc mis la transition écologique au cœur de leur action depuis plusieurs années déjà, avec une attention particulière pour les plus fragiles. La signature d’un Contrat d’Objectif Territorial (COT) « Territoire Engagé Transition Ecologique » avec l’ADEME Ile-de-France en 2022 (en pleine période de révision réglementaire du PCAET. Consulter l’article « PCAET et TETE, un duo gagnant ») est donc arrivé à point nommé pour renforcer les processus à l’œuvre, initiant ainsi les transversalités utiles entre les champs du climat, de la prévention et de la valorisation des déchets et, plus globalement, de l’économie circulaire dans un but à la fois environnemental, économique et social. Une démarche, déjà saluée par l’obtention d’un double label de qualité (2 étoiles sur le volet Climat-Air-Energie et 3 étoiles sur le volet Economie circulaire. Consulter la fiche de la collectivité), qui ne laisse pas indifférents les élus qui la portent conjointement et renforce encore leur motivation à agir.
Rencontre avec Julie Lefebvre, Patrick Lascoux et Smaïla Camara, Vice-Présidents engagés d’Est Ensemble.
D’emblée, le décor est planté par Smaïla Camara : « Tout le monde connait la réalité de la Seine-Saint-Denis. C’est un territoire peu favorisé, mais jeune et dynamique, qui crée beaucoup d’activité économique. Les élus ont une réelle volonté de faire, et c’est vrai aussi de la part de la population. En prenant la vice-présidence d’Est Ensemble à la transition écologique et énergétique, il était donc essentiel pour moi que ce mandat ait un sens. C’est la volonté du Président et aussi la mienne que l’ensemble des projets soient pensés, calibrés à l’aune des enjeux de la transition écologique. »
Smaïla CAMARA, vice-président Chargé de la Transition Ecologique, des Parcs et de la Nature en ville Bondy
Patrick Lascoux, Vice-Président chargé de la prévention, de la réduction et de la revalorisation des déchets est sur la même longueur d’onde : « C’est vrai, il y a chez nous une énergie, un écosystème d’acteurs et une habitude de se battre pour avancer qui sont propres à notre territoire, où 29% des habitants vivent en-dessous du seuil de pauvreté et les inégalités perdurent. C’est la raison pour laquelle nous essayons de créer des dynamiques fortes et notre projet de territoire est fondé sur une transition juste. » Ce point de vue est aussi pleinement partagé par Julie Lefebvre, la 1ère vice-présidente, dont les trois priorités du mandat sont l’emploi des jeunes, le renforcement de la relation aux entreprises et l’accompagnement à la transformation durable du tissu économique : « Le sens de ma feuille de route, c’est de savoir comment faire face aux gros challenges du territoire tout en arrivant à développer un tissu économique durable, qui soit ouvert aux habitants (parce qu’actuellement, beaucoup font du pendulaire et vont travailler ailleurs) et leur apporte les perspectives leur permettant de sortir de l’orientation subie, comme c’est souvent le cas pour nos jeunes. L’inscription d’Est Ensemble dans le programme Territoire Engagé Transition Ecologique de l’ADEME confirme et concentre ces orientations, tout en nous en donnant pour partie les moyens, à travers le contrat d’objectif territorial associé » conclut-elle.
Julie LEFEBVRE, 1ère vice-présidente Chargée du Développement Economique, de l'Emploi, de la Formation et de l'Insertion Romainville
De nombreuses initiatives ont vu, voient et verront le jour durant les 4 années que durera ce COT. Parmi tant d’autres épinglons :
On le voit, au quotidien, concilier la justice environnementale avec la justice sociale n’est donc pas une formule, mais un véritable plan d’actions, qui s’appuie beaucoup sur la dimension transversale impulsée par le programme. « L’approche descendante et cloisonnée n’est jamais signe d’efficacité sur un sujet comme celui-là, je pense. On voit bien qu’il y a toujours une perte lorsque chacun avance dans son coin » reconnaît sans peine Patrick Lascoux. « Travailler en transversalité, c’est incontournable pour que les élus s’approprient les dispositifs et abordent efficacement les enjeux de la transition écologique » renchérit Julie Lefebvre. « En ce qui me concerne, par exemple, j’ai instauré un groupe des élus des villes sur les questions liées au développement économique, à l’emploi et à l’insertion. Dans ce groupe de travail, on aborde des sujets très concrets comme le soutien au commerce, le foncier économique ou la commande publique qui est pour moi, un gros levier d’économie circulaire. Certes, je porte la mise en place du SPASER au sein d’Est Ensemble . Et si j’avais décidé de le faire seule, j’aurais certainement avancé plus vite. Mais parce que la commande publique concerne aussi le sport, la culture, les déchets, le bâtiment, … c’est-à-dire toute une série de domaines pour lesquels je n’ai pas d’expertise sur les critères pertinents à mettre en place pour rendre la démarche plus vertueuse, j’ai décidé de mettre le sujet à l’agenda de ce groupe transversal d’élus, pour pousser au maximum les curseurs environnementaux et sociaux du schéma. On a besoin d’efficience et d’impact et ce, rapidement. »
« L’alliance entre vice-présidents d’Est Ensemble est essentielle, c’est vrai » rappelle en écho Smaïla Camara. « On travaille ensemble lors de réunions, on visite des sites pour s’inspirer. Pour ma part, je n’hésite jamais à impulser un échange lorsque je pense que c’est nécessaire pour faire avancer un dossier, que ce soit pour demander des précisions ou pour lever un frein. Mais au-delà de ça, et même si la compétence a été transférée, il s’agit aussi, effectivement, de travailler avec l’ensemble de nos villes si l’on veut que l’action descende véritablement sur le terrain. C’est en train d’arriver. A la fin du mandat, tous les maires pourront être fiers de ce qui aura été accompli, parce qu’ils en auront été, eux aussi, les chevilles ouvrières. »
Portrait de Patrick LASCOUX, vice-président Chargé du Programme Zéro déchet, de la Prévention, de la Réduction et de la Revalorisation Noisy-le-Sec
La relation de confiance qui lie les élus aux services de l’EPT joue aussi un grand rôle dans la capacité d’Est Ensemble à embrasser les défis qui se présentent. « Nous avons la chance de pouvoir compter sur une administration compétente avec laquelle nous avons eu la volonté de partager notre projet politique dès l’entame du mandat. Cela participe, je pense, au dynamisme et à la pertinence des actions engagées » analyse Patrick Lascoux. La réorganisation des services, amorcée en juillet 2023, a également contribué à une meilleure lisibilité de la démarche Territoire Engagé Transition Ecologique. « Au départ » rappelle Smaila Camara « nous étions sur le modèle classique « une direction / un vice-président ». Du coup, c’était facile en termes de mise en place et d’organisation quotidienne mais peut-être pas suffisant pour atteindre nos ambitions. Il a donc fallu se réinventer collectivement, en passant d’un modèle en deux dimensions à un modèle à 360°, qui met la transition écologique au cœur de toutes nos politiques publiques. ». Un exemple : la fusion des pôles « développement économique » et « emploi » qui ne forment plus, désormais, qu’une seule et même Direction et la mise en place de trois unités territoriales délocalisées « qui permettent d’être davantage à l’écoute des besoins des acteurs de terrains, que nous rencontrons plus et mieux et qui viennent aussi spontanément nous voir davantage », comme l’explique Julie Lefebvre.
On le voit, Est Ensemble mise sur le développement d’une culture forte de la coopération, à la fois pour améliorer la gouvernance locale, renforcer la cohésion sociale et rendre plus robustes les projets déployés. Cette posture, encouragée par le programme porté par l’ADEME, se traduit donc par une collaboration étroite entre élus et services et la mutualisation des ressources et des compétences avec les villes membres. Elle se vit aussi à travers la mise en place de mécanismes de participation citoyenne, tels que la Convention citoyenne locale pour le climat et la biodiversité évoquée plus haut. « Dès que l’on peut associer des citoyens à une réflexion de nature à influencer le développement du territoire, nous le faisons. La plupart de ceux qui ont participé à cette convention ont été transformés par l’exercice. C’est un outil participatif puissant qui change durablement la vision » assure, convaincu, Patrick Lascoux.
Enfin, elle s’incarne dans de nombreux projets, menés en partenariat avec des associations locales, des entreprises, des institutions académiques et des organisations non gouvernementales. A titre d’exemple, 5000 m² viennent ainsi d’être livrés aux Ateliers Diderot, à Pantin, sous la forme d’un tiers-lieu intégralement dédié à la fabrique de la ville de demain. Fait remarquable : la réhabilitation du lieu a été initiée par un diagnostic citoyen porté par la ville de Pantin et Est Ensemble. L’Usine des transitions, sur l’ancien site industriel désaffecté Saft, est un autre projet emblématique de cette volonté d’accompagner la transformation du territoire vers davantage de durabilité : « Nous nous battons pied à pied pour reconquérir des m² pour développer de l’activité économique localement, qui puisse aussi avoir un sens social et une plus-value environnementale » conclut Julie Lefebvre.
Pour autant, tout ne va pas de soi. Certaines collaborations demeurent plus difficiles à initier. C’est le cas, par exemple, avec les bailleurs sociaux, explique ainsi Patrick Lascoux : « La culture de travail est différente et nous avons peu de leviers disponibles pour aller les chercher, hormis peut-être la fiscalité mais cela reste maigre. Plus de 15 réunions ont été proposées l’an dernier. Force est de constater que nous avons souvent eu des chaises vides en face de nous. C’est vraiment dommage car je suis convaincu que nous avons besoin que ces acteurs s’impliquent pour influencer les changements de comportements. C’est un caillou dans notre chaussure, mais nous y travaillons actuellement. »
« Aujourd’hui, on n’a plus le temps de se poser mille questions. Il faut accélérer l’opérationnalisation de la transition écologique » martèle encore Patrick Lascoux. « Dès lors, si les réunions de bureau permettent aux élus impliqués dans le programme Territoire Engagé Transition Ecologique de se retrouver régulièrement et d’échanger des idées, nous avons aussi besoin de structure dans l’approche, d’outils d’analyse et de projection qui permettent de mettre les moyens en face des besoins. »
Je souhaite contacter l'équipe de Territoire Engagé
A cet égard, les outils de monitoring proposés par l’ADEME dans le cadre du programme Territoire Engagé Transition Ecologique trouvent tout leur sens qu’il s’agisse d’outils opérationnels pour avancer de manière autonome et progressive (ex : référentiels d'actions et plateforme de pilotage www.territoiresentransitions.fr) ou des dispositifs d’accompagnement complémentaires qui y sont adossés (formations, coaching personnalisé, activités de réseau, etc). « L’ADEME nous aide beaucoup à prendre le recul nécessaire pour bien appréhender les situations et enjeux, en sortant du cadre et, parfois, en dézoomant à l’échelle nationale. Elle nous pousse aussi à systématiquement aller plus loin, en nous ouvrant de nouvelles portes, d’un point de vue thématique ou méthodologique » reconnaît volontiers Patrick Lascoux. « Via l’évaluation annuelle, nous pouvons réorienter, infléchir la politique et les actions si nécessaire, pour rester alignés avec nos objectifs » ajoute Smaïla Camara. « J’essaie d’ailleurs d’être présent le plus possible lors des échanges avec l’auditeur pour comprendre comment la démarche est conduite, donner du sens aux chiffres ou tendances exposées et déterminer les actions correctrices éventuelles à entreprendre. »
C’est d’ailleurs le vice-président à la transition écologique et énergétique qui avait reçu l’an dernier, au nom d’Est Ensemble, la 3e étoile remise au territoire sur le volet « Economie circulaire » du programme territoire Engagé Transition Ecologique. Il s’en souvient très bien : « Je me suis rendu à la cérémonie avec Cosima Malandrino, qui était, à l’époque, notre chargée de mission économie circulaire et climat. Initialement, je devais monter sur scène seul. Mais finalement, à ma demande, nous sommes montés ensemble et c’était un beau moment. Car si les élus donnent la direction à suivre, il ne se passe pas grand-chose si les services n’opérationnalisent pas derrière. L’action publique, c’est ensemble qu’on lui donne vie, et je voulais que notre tandem puisse symboliquement montrer cela. »
Je veux en savoir plus sur la labellisation
« Être labellisés Territoire Engagé Transition Ecologique, c’est valider le fait que les actions enclenchées en valent la peine » conclut Julie Lefebvre, enthousiaste. « Mais c’est aussi une belle reconnaissance de l’action d’Est Ensemble au niveau national. Vous savez, les territoires du 93 sont très peu couverts par les médias nationaux hormis en période de crise. A la lecture de la presse, je constate pourtant qu’en matière de développement durable et de transition juste, le territoire d’Est Ensemble va souvent plus loin encore que les exemples régulièrement mis en avant. Or, de nous, sur ces questions, on ne parle jamais ou presque. Il me semble qu’un prisme intéressant serait aussi de voir le 93 comme une force sur les questions environnementales. En cela, le dispositif de labellisation de l’ADEME est un réel booster. »
Propos recueillis par Nathalie Ricaille.
Pour aller plus loin sur les projets d’Est Ensemble :